Là où la mer s’arrête...

samedi 7 avril 2007
par  Claude
popularité : 41%

Le regard de l’artiste

Sylvie Moreau aime bien dire que sur notre terre,
nous avons tous potentiellement tout à notre disposition
et que nous nous tricotons tous nos univers particuliers.

Assembler, articuler ensemble des éléments de provenances éparses et des points de vue divers
pour créer un nouveau quelque chose. A l’évocation de " là où s’arrête la mer… ",
Sylvie Moreau s’est mise à rêver : " J’ai pensé aux navigateurs, cartographes des premières heures,
à la découverte, tentant de définir les territoires, les côtes. J’ai pensé aux virées sur la laisse de mer,
pour ramasser le bois flotté, les pieds dans les nuées de puces de mer, les empreintes d’oiseaux
venant les picorer.

J’ai pensé à nos tentatives d’enfants pour contenir ou cerner les limites de la mer. Les remparts de sable, les lignes de coquillages, les traits pour immortaliser la limite ultime de l’assaut des vagues.
Je me suis revue, suivre en courant, le plus vite possible, cette ligne de fin de mer avant qu’elle ne disparaisse, engloutie par le sable, ou redessinée par d’autres vagues.
Ces petits jeux là pouvaient durer longtemps et la victoire était éphémère… "

Sylvie Moreau collabore régulièrement avec le Foyer rural de l’Estran et le C.A.T Genets d’Or de Ploudalmézeau.

Le regard du scientifique

Les frontières marines Dans le roman d’Alessandro Baricco " Océan, mer ", le professeur choisit pour sujet d’étude l’endroit " où finit la mer ", où vague après vague une trace fugitive est inscrite, le temps d’être effacée par la vague suivante… Le législateur ne saurait s’en tenir à une telle attitude contemplative. L’Ordonnance de Colbert d’août 1681 définit un domaine public maritime, s’étendant jusqu’à la limite supérieure des pleines mers de vive-eau de mars ; domaine inaliénable et imprescriptible. Il faut attendre le décret de 1963 " sur les lais et relais de mer " pour avoir une modification de l’état du droit : le domaine maritime est susceptible d’inclure à l’avenir des zones qui pourraient être envahies par la mer lors d’une tempête paroxysmale entraînant la rupture d’une digue.

Si nous élargissons notre regard, nous considèrerons l’estran : cette zone située entre les plus hautes et les plus basses mers, tantôt marine tantôt terrestre, ou chacun, comme le dit un dicton breton " peut écrire son nom " (on peut l’entendre au sens des enfants qui aiment écrire leur prénom sur le sable mouillé)…

L’estran est une zone frontière, lieu d’échanges de matière et d’énergie, lieu de vie. Ici se rencontrent l’hydrosphère (l’océan), la lithosphère émergée (le continent), l’atmosphère (l’air) et la biosphère (ensemble des végétaux et des animaux qui occupent ces trois milieux). Quand la mer se retire, elle dépose une laisse constituée d’éléments naturels et de déchets abandonnés par l’homme, voire d’hydrocarbures échappés des navires... La structure et la nature de cette laisse de mer change à chaque marée. Peu fournie lorsque la mer est calme, elle est nourrie à chaque tempête. Les débris organiques ainsi concentrés forment un milieu particulier, où vivent des animaux détritivores opportunistes (crustacés, insectes, micro-organismes…), maillons d’une chaîne alimentaire efficace, bien qu’éphémère, dont les bénéficiaires ultimes sont essentiellement les poissons et les oiseaux. La laisse de mer : un espace et un lieu de vie, le temps d’une marée, là où s’arrête la mer…

Gérard Auffret, Géologue marin, IFREMER-Brest


Commentaires  Forum fermé

Agenda

<<

2019

>>

<<

Novembre

>>

Aujourd’hui

LuMaMeJeVeSaDi
28293031123
45678910
11121314151617
18192021222324
2526272829301
Aucun évènement à venir les 6 prochains mois